Vivre avec un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH) ou une dyspraxie représente déjà un défi quotidien. Mais que se passe-t-il lorsque ces deux conditions neurologiques coexistent chez une même personne ? Cette "double exceptionnalité" touche plus de personnes qu'on ne le pense : environ 50% des personnes ayant un TDAH présentent également des troubles moteurs compatibles avec une dyspraxie.
Dans cet article, nous vous proposons un guide complet et pratique pour mieux comprendre l'association TDAH et dyspraxie, ses implications au quotidien, et surtout, les stratégies concrètes pour accompagner efficacement les personnes concernées, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes.
Comprendre les Bases : Définitions Claires
Avant d'explorer la comorbidité TDAH dyspraxie, prenons le temps de bien définir chacun de ces troubles neurodéveloppementaux.
Qu'est-ce que le TDAH ?
Le Trouble du Déficit de l'Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental qui affecte la capacité d'une personne à maintenir son attention, à contrôler son impulsivité et, dans certains cas, à réguler son niveau d'activité.
On distingue trois présentations principales du TDAH :
- Type inattentif : difficultés de concentration, distractibilité, oublis fréquents
- Type hyperactif/impulsif : agitation motrice, difficulté à rester en place, impulsivité
- Type combiné : présente à la fois des symptômes d'inattention et d'hyperactivité/impulsivité
Les symptômes clés du TDAH incluent :
- Difficulté à maintenir l'attention sur une tâche
- Tendance à perdre ou oublier des objets importants
- Difficulté à organiser des tâches et activités
- Distraction facile par des stimuli externes
- Agitation motrice (tapotement, difficulté à rester assis)
- Interruption fréquente des autres
- Impatience et difficulté à attendre son tour
Qu'est-ce que la Dyspraxie (ou Trouble Développemental de la Coordination - TDC) ?
La dyspraxie, aujourd'hui plus souvent appelée Trouble Développemental de la Coordination (TDC) dans la littérature scientifique, est un trouble neurodéveloppemental qui affecte la planification et l'exécution des mouvements volontaires.
Point essentiel : La dyspraxie n'est PAS un déficit intellectuel ni une simple maladresse passagère. C'est un trouble durable de la coordination qui impacte significativement les activités quotidiennes.
Les principaux symptômes de la dyspraxie/TDC comprennent :
Difficultés de motricité fine :
- Écriture laborieuse et peu lisible
- Manipulation difficile des objets du quotidien (boutons, lacets, couverts)
- Difficulté à utiliser des outils comme les ciseaux ou le compas
Difficultés de motricité globale :
- Démarche maladroite ou instable
- Difficultés dans les sports, particulièrement ceux nécessitant des gestes précis
- Tendance à se cogner fréquemment ou à renverser des objets
Troubles visuo-spatiaux :
- Difficulté à s'orienter dans l'espace
- Problèmes pour organiser son travail sur une page
- Difficulté à estimer les distances et les proportions
Le Cœur du Sujet : Pourquoi le TDAH et la Dyspraxie sont-ils Souvent Associés ?
La Fréquence de la Comorbidité :
Selon les données de l'association TDAH-France, environ 40 à 60% des enfants diagnostiqués avec un TDAH présentent également des signes de dyspraxie ou d'autres troubles moteurs. Cette forte prévalence n'est pas le fruit du hasard et suggère des mécanismes neurologiques communs.
Hypothèses Neurodéveloppementales :
Les recherches actuelles suggèrent plusieurs explications à cette fréquente comorbidité TDAH dyspraxie :
- Anomalies des fonctions exécutives : Le TDAH et la dyspraxie impliquent tous deux des difficultés dans les fonctions exécutives, ces processus cérébraux responsables de la planification, de l'organisation et de l'exécution des tâches.Le Chevauchement Complexe des Symptômes :
L'un des défis majeurs dans la compréhension de l'association TDAH et dyspraxie réside dans le chevauchement de certains symptômes.
Tableau comparatif des symptômes :
Symptômes | TDAH | Dyspraxie | Commun aux deux |
---|---|---|---|
Inattention | ✓ | ||
Hyperactivité | ✓ | ||
Impulsivité | ✓ | ||
Difficultés motrices fines | ✓ | ||
Troubles visuo-spatiaux | ✓ | ||
Désorganisation | ✓ | ||
Lenteur d'exécution | ✓ | ||
Difficultés en écriture | ✓ | ||
Faible estime de soi | ✓ |
Exemple concret : Un enfant avec TDAH et dyspraxie peut éprouver d'énormes difficultés à l'écrit. La dyspraxie rend le geste graphique difficile et non automatisé, tandis que le TDAH complique davantage la tâche par l'impulsivité (écriture précipitée) ou l'inattention (oublis de mots ou de lettres). Le résultat final peut être un texte illisible, incomplet, avec de nombreuses erreurs, même si l'enfant comprend parfaitement le sujet.
Le Parcours du Diagnostic : Identifier la Double Condition
Qui Consulter ?
Le parcours diagnostique pour le TDAH et la dyspraxie implique généralement plusieurs professionnels :
- Premier niveau : Médecin traitant ou pédiatre pour un premier repérage
- Deuxième niveau : Consultation spécialisée (neuropédiatre, psychiatre)
- Évaluations spécifiques : Neuropsychologue, psychomotricien, ergothérapeute
Idéalement, une équipe pluridisciplinaire travaillant en coordination permettra d'obtenir un diagnostic précis et complet.
Le Processus Diagnostique :
Un diagnostic rigoureux de la comorbidité TDAH dyspraxie nécessite plusieurs étapes :
- Évaluation clinique approfondie : Entretiens avec la personne et son entourage, observation de comportements, questionnaires standardisés.- Bilans spécifiques pour le TDAH :
- Évaluation de l'attention et des fonctions exécutives
- Tests neuropsychologiques ciblés
- Questionnaires comportementaux (parents, enseignants)
- Bilan psychomoteur
- Bilan ergothérapique
- Évaluation des praxies et des capacités visuo-spatiales
Les Défis du Diagnostic Différentiel :
Plusieurs écueils compliquent le diagnostic :
- Masquage mutuel : L'hyperactivité du TDAH peut masquer les difficultés motrices de la dyspraxie, tandis que la lenteur liée à la dyspraxie peut dissimuler l'hyperactivité du TDAH.- Attribution erronée : Les difficultés d'organisation peuvent être attribuées au TDAH alors qu'elles relèvent partiellement de la dyspraxie.
- Focalisation sur un trouble : Trop souvent, un seul diagnostic est posé, laissant l'autre trouble non identifié et donc non pris en charge.
Les conséquences d'un diagnostic incomplet peuvent être graves : interventions inefficaces, détresse psychologique, échec scolaire ou professionnel évitable.
Impacts au Quotidien et Stratégies d'Adaptation :
À l'École : Apprentissages et Socialisation :
Les élèves présentant à la fois un TDAH et une dyspraxie font face à des défis considérables dans le milieu scolaire :
Difficultés courantes :
- Production écrite laborieuse et illisible
- Organisation du matériel et des devoirs chaotique
- Difficulté à suivre des consignes multiples
- Malaises dans les activités sportives
- Interactions sociales parfois compliquées par l'impulsivité et la maladresse
Stratégies pour enseignants :
- Adaptations pédagogiques :
- Fournir des supports de cours préparés à l'avance
- Privilégier l'oral quand c'est possible
- Fractionner les consignes complexes
- Allouer du temps supplémentaire pour les évaluations
- Autoriser l'utilisation d'un ordinateur avec logiciels adaptés
- Plan d'Accompagnement Personnalisé (PAP)
- Projet d'Accueil Individualisé (PAI)
- Document GEVASco pour la MDPH
- Accompagnant d'Élève en Situation de Handicap (AESH)
À la Maison : Vie Familiale et Autonomie
La vie quotidienne représente également un défi pour les familles concernées par la double condition TDAH et dyspraxie.
Défis courants :
- Difficultés d'habillage (boutons, lacets)
- Repas compliqués (utilisation des couverts, renversements)
- Organisation des devoirs source de conflits
- Rangement et ordre difficiles à maintenir
Conseils pour les parents :
- Structurer l'environnement :
- Établir des routines stables et prévisibles
- Utiliser des supports visuels (tableaux, pictogrammes)
- Simplifier l'espace pour réduire les distractions
- Expliquer étape par étape
- Utiliser des check-lists visuelles
- Prévoir plus de temps pour l'accomplissement des tâches
- Valoriser les efforts plus que les résultats
- Célébrer les petites victoires
- Éviter la comparaison avec les frères et sœurs
- Proposer des vêtements adaptés (velcro plutôt que lacets)
- Aménager la salle de bain et la chambre de façon ergonomique
- Enseigner des stratégies de compensation
Pour les Adultes : Vie Professionnelle et Personnelle
Le TDAH et la dyspraxie ne disparaissent pas à l'âge adulte et continuent d'avoir un impact significatif.
Challenges professionnels :
- Organisation du temps et des tâches
- Prises de notes en réunion
- Utilisation de certains équipements
- Respect des délais
Stratégies d'adaptation :
- Applications de gestion du temps et d'organisation
- Demande d'aménagement de poste
- Communication transparente avec l'employeur sur les besoins spécifiques
- Coaching spécialisé en TDAH
Impact sur la vie personnelle :
- Gestion du budget et des tâches administratives
- Conduite automobile parfois complexe
- Relations sociales et familiales pouvant être affectées par l'impulsivité
- Estime de soi souvent fragilisée par un parcours semé d'échecs
Prise en Charge Thérapeutique : Une Approche Multidisciplinaire
L'Importance d'un Suivi Coordonné :
Face à la comorbidité TDAH dyspraxie, une prise en charge fragmentée est souvent inefficace. Un médecin coordinateur (généralement neuropédiatre, psychiatre ou neurologue) est essentiel pour :
- Centraliser les informations
- Ajuster les traitements
- Orienter vers les spécialistes appropriés
- Assurer la cohérence du parcours de soins
Thérapies Essentielles :
Ergothérapie :
- Rééducation des gestes du quotidien
- Amélioration de l'écriture ou apprentissage de méthodes alternatives
- Conseils d'aménagement et outils adaptés
- Travail sur l'autonomie dans les activités quotidiennes
Psychomotricité :
- Amélioration de la coordination globale
- Renforcement du schéma corporel
- Développement des repères spatio-temporels
- Régulation tonique et relaxation
Orthophonie (si nécessaire) :
- Troubles du langage oral souvent associés
- Organisation du discours
- Développement des compétences narratives
- Soutien à l'apprentissage de la lecture
Soutien psychologique / TCC :
- Gestion de la frustration et des émotions
- Renforcement de l'estime de soi
- Développement de stratégies d'adaptation
- Soutien face aux situations d'échec
Guidance parentale / Groupes de parole :
- Échange d'expérience entre familles
- Apprentissage de techniques éducatives adaptées
- Soutien émotionnel et prévention de l'épuisement
La Place de la Médication :
Il est important de comprendre que la médication concerne principalement le TDAH et non la dyspraxie :
- Médicaments pour le TDAH (méthylphénidate, atomoxétine) :
- Améliorent l'attention et réduisent l'hyperactivité/impulsivité
- Permettent indirectement une meilleure adhésion aux thérapies de rééducation
- Ne remplacent pas les approches rééducatives pour la dyspraxie
- Uniquement sur prescription spécialisée
- Nécessite un suivi régulier
- Adaptation posologique individualisée
- Les études montrent que l'association médicaments + thérapies comportementales et rééducatives offre les meilleurs résultats
Ressources Utiles et Soutien
Pour les personnes concernées par la comorbidité TDAH dyspraxie et leurs familles, plusieurs ressources sont disponibles :
Associations spécialisées :
- TDAH-France
- Dyspraxique Mais Fantastique
- Coridys (pour tous les troubles neurodéveloppementaux)
Ressources institutionnelles :
- Haute Autorité de Santé - Recommandations sur le TDAH et la dyspraxie
- Éduscol - Ressources pour les aménagements scolaires
Lectures recommandées :
- "Le TDAH chez l'enfant et l'adolescent" - Dr Michel Lecendreux
- "100 idées pour aider les élèves dyspraxiques" - Amanda Kirby
- "Mon cerveau a besoin de lunettes" - Dr Annick Vincent (pour expliquer le TDAH aux enfants)
- "Le syndrome dys-exécutif chez l'enfant et l'adolescent" - Michèle Mazeau
Conclusion :
La coexistence du TDAH et de la dyspraxie représente un défi particulier qui nécessite une compréhension fine des deux troubles et de leurs interactions. Un diagnostic précis et complet constitue la première étape essentielle vers une prise en charge adaptée.
Face à cette double condition, l'approche multidisciplinaire s'impose comme la plus efficace, combinant interventions médicales, rééducatives, psychologiques et éducatives. L'implication et la coordination de tous les acteurs (professionnels de santé, enseignants, famille) sont cruciales pour accompagner au mieux les personnes concernées.
N'oubliez pas que malgré les difficultés qu'ils rencontrent, les individus avec TDAH et dyspraxie possèdent souvent des qualités remarquables : créativité, persévérance, empathie et capacité à penser "hors des sentiers battus". Avec un accompagnement adapté, ils peuvent développer pleinement leur potentiel et trouver leur place dans la société.
Vous vivez avec cette double condition ou accompagnez un proche concerné ? Partagez votre expérience dans les commentaires ou contactez les associations spécialisées qui pourront vous orienter vers des ressources adaptées à votre situation.
FAQ : Questions Fréquentes sur le TDAH et la Dyspraxie
Peut-on avoir le TDAH et la dyspraxie en même temps ?
Oui, absolument. Ces deux troubles neurodéveloppementaux sont fréquemment associés. Les études montrent qu'environ 40 à 60% des personnes atteintes de TDAH présentent également des signes de dyspraxie ou de troubles moteurs significatifs.
Comment savoir si mon enfant est dyspraxique ou juste maladroit ?
La maladresse occasionnelle est normale chez tous les enfants, particulièrement pendant les phases de croissance. En revanche, la dyspraxie implique des difficultés motrices persistantes qui interfèrent significativement avec les activités quotidiennes et l'apprentissage. Si vous observez des difficultés importantes et durables dans les gestes du quotidien, l'écriture, ou les activités sportives, consultez un professionnel pour une évaluation complète.
Quel est le meilleur traitement pour le TDAH et la dyspraxie ?
Il n'existe pas de traitement unique mais plutôt une approche combinée et personnalisée. Cette approche inclut généralement : une prise en charge rééducative (ergothérapie, psychomotricité), un traitement médicamenteux pour le TDAH si nécessaire, des adaptations scolaires ou professionnelles, et un soutien psychologique. L'efficacité du traitement repose sur sa personnalisation et la coordination entre les différents intervenants.
La dyspraxie disparaît-elle avec l'âge ?
Non, la dyspraxie est un trouble neurodéveloppemental durable. Cependant, avec une prise en charge adaptée et la mise en place de stratégies de compensation, les symptômes peuvent s'atténuer et devenir moins handicapants. Les adultes dyspraxiques apprennent généralement à développer des mécanismes d'adaptation efficaces et à choisir des environnements qui valorisent leurs forces.
Comment aider un enfant TDAH et dyspraxique à faire ses devoirs ?
Créez un environnement calme et structuré, divisez le travail en étapes courtes et claires, prévoyez des pauses fréquentes, utilisez des supports visuels, proposez l'ordinateur pour les productions écrites, valorisez les efforts plus que les résultats, et maintenez une communication régulière avec les enseignants. N'hésitez pas à demander des adaptations du volume de travail si nécessaire.
Quelles adaptations demander à l'école pour un enfant TDAH/Dyspraxique ?
Les principales adaptations incluent : l'utilisation d'un ordinateur avec logiciels adaptés, la fourniture des cours en format numérique, l'attribution de temps supplémentaire pour les évaluations, la réduction de la quantité d'écrit, l'autorisation d'utiliser des outils spécifiques (règle adaptée, compas ergonomique), et la mise en place d'un PAP (Plan d'Accompagnement Personnalisé) ou si nécessaire d'un PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation) avec aide humaine (AESH).